Note sur vingt-deux opérations de goitre :

(avec trois planches phototypiques)

Reverdin, J.-L. (Jacques-Louis)1842-1929 ;
Reverdin, Auguste, 1848-1908.





ACCIDENTS GÉNÉRAUX TARDIFS.

Il ne nous reste plus à nous occuper que des accidents généraux tardifs que nous avons signalés l'année dernière à la Société médicale de Genève ; quelques jours auparavant, pendant le Congrès d'hygiène, le 7 septembre 1882, nous avons eu l'occasion d'en parler avec le professeur Kocher, qui nous a dit alors avoir su que l'une de ses opérées avait perdu sa vivacité et était devenue triste, mélancolique et taciturne depuis son opération; s'agissait-il de cette malade dont l'observation est accompagnée des lignes suivantes : << d'après une communication de son médecin, elle a joui chez elle d'une santé complète pendant les premières semaines, tandis que dans les derniers temps, des changements remarquables se sont produits dans l'état de la jeune fille. Celle-ci est devenue grognon, paresseuse, doit être forcée pour travailler, tandis que précédemment elle avait un caractère vif et gai.

La marche subséquente montrera, s'il y a quelques rapports entre l'extirpation du goitre et les modifications de l'état mental1.>>

Le 13 septembre 1882, l'un de nous a fait, comme nous l'avons dit à la Société médicale, une communication qui se trouve résumée de la façon suivante 2 :

M. J.-L. Reverdin fait ensuite une communication sur les accidents consecutifs à l'ablation totale du goitre. Jusqu'à présent il a pratiqué 14 operations et n'a eu que 3 morts ; dans un cas il y eut une pneumonie, dans un autre des accidents nerveux complexes, dans un troisième enfin, il s'agissait d'un goitre cancéreux, la mort eut lieu par suffocation pendant l'opération : M. J.-L. Reverdin a observé, sur ses opérés guéris, des accidents non encore decrits, et sur lesquels il attire l'attention de la Société. Deux ou trois mois après l'opération, les malades ont présenté pour la plupart un état de faiblesse, de pâleur, d'anémie, s'accompagnant chez deux d'entr'eux d'un état d'œdème de la face et des mains, sans albuminurie : chez l'un, 3 une contraction de la pupille, de la tristesse, de l'accablement, et dans un cas le faciès devint très analogue à ce qu'il est chez les crétins. Chez la plupart de ces opères, cet état spécial a été long à disparaître, et chez trois d'entre eux il dure depuis une année. Aucun des auteurs qui se sont occupes de la question ne signale ces accidents à la suite de l'ablation du corps thyroïde hypertrophié ou altéré.

M. Kocher a cependant dit à M. Reverdin que, dans un cas observé par lui, l'opéré resta triste et faible après sa quérison. M. J.-L. Reverdin a observé un cas de tétanie à la suite de l'opération, M. A. Reverdin en a observé un second qui a guéri.

Quelle part prend le système nerveux dans la production de ces accidents ? L'irritation, le tiraillement du grand sympathique doivent-ils être mis en cause ? Ou bien le corps thyroïde, dont les fonctions sont encore, obscures pour les physiologistes, jouerait-il dans l'hématopoièse un rôle assez important pour que son ablation entraînât un trouble si profond dans l'économie ?

En présence de ces résultats, M. J.-L. Reverdin a modifié sa pratique. Autrefois il enlevait le corps thyroïde en entier, quand c'était possible. Aujourd'hui il respecte la membrane enveloppante, ou conserve une partie de la glande. Dans un cas ou, il n'a enlevé qu'un lobe du corps thyroïde il n'a pas eu d'accidents consécutifs.

Nous avons tenu à remettre ces lignes sous les yeux du lecteur parce que Kocher vient de faire en avril 1883, au Congrès des chirurgiens allemands, une communication importante sur ce même sujet, après avoir fait une revision de ses opérés ; d'après les analyses nécessairement brèves qu'en ont donné différents journaux, il semble que ses observations sont assez analogues aux nôtres dans leurs traits principaux, que l'interprétation qu'il en donne au point de vue pathogénique est en partie seulement semblable à celle que nous avons avancée sous forme d'hypothèse, et que les conséquences pratiques au point de vue de l'intervention opératoire sont identiques.

Nous ne pouvons, ni ne voulons attendre la publication du mémoire de Kocher pour terminer cette étude ; si nos vues concordent, elles ne seront que plus affermies par le fait que nos recherches se sont faites d'une façon indépendante ; si elles se trouvent en désaccord, leur discussion pourra toujours se faire plus tard ; dans le cas même où le travail de Kocher paraîtrait avant ces lignes, nous attendrons pour en faire la comparaison d'avoir pu soumettre ses faits et les nôtres à une critique suffisamment éclairée. Ceci dit, voici les faits que nous avons annoncés et qui complètent les observations données plus haut.



1 Deutsche Zeitschrift für Chirurgie, Bd. IV, 5me et 6me fasc., 18, page 431.

2 Revue médicale de la Suisse romande, 1882, pages 539.

3C'est par le fait d'une faute typographique qu'il a été imprimé dans le procès verbal une an lieu de un.





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